Un texte de Frédéric Emprou écrit à l'occasion de son exposition au Musée de la Roche sur Yon (5 octobre - 23 novembre 2013).
Georgia Nelson, strike the pose
« Qui dit collage, dit irrationnel. »¹
Clôturant sa fin de résidence à l’école d’art municipale de la ville, l’exposition de Georgia Nelson au Musée de la Roche-sur-Yon qu’elle partageait avec Françoise Vanneraud, présentait un ensemble de dessins et de tableaux : un panorama qui organisait en deux salles un accrochage placée sous le signe de la variation chromatique et excentrique.
Chez Georgia Nelson, si le rapport à la performance occupe une position manifeste, ses compositions n’en demeurent pas moins emblématiques à sa pratique. Espaces mixant dessins, slogans ou textiles, celles-ci semblent balancer entre le décoratif, un détournement de la toile et la confection tout azimut de textures. Stickers, zones crayonnées, traits de stabilo et listes improbables décrivant portraits...
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Un texte de Frédéric Emprou écrit à l'occasion de son exposition au Musée de la Roche sur Yon (5 octobre - 23 novembre 2013).
Georgia Nelson, strike the pose
« Qui dit collage, dit irrationnel. »¹
Clôturant sa fin de résidence à l’école d’art municipale de la ville, l’exposition de Georgia Nelson au Musée de la Roche-sur-Yon qu’elle partageait avec Françoise Vanneraud, présentait un ensemble de dessins et de tableaux : un panorama qui organisait en deux salles un accrochage placée sous le signe de la variation chromatique et excentrique.
Chez Georgia Nelson, si le rapport à la performance occupe une position manifeste, ses compositions n’en demeurent pas moins emblématiques à sa pratique. Espaces mixant dessins, slogans ou textiles, celles-ci semblent balancer entre le décoratif, un détournement de la toile et la confection tout azimut de textures. Stickers, zones crayonnées, traits de stabilo et listes improbables décrivant portraits et esquisses sous le mode de la note, du croquis ou de la cartographie abstraite, participent de cet assemblage frontal et direct de signes. Par cette réunion inédite de pièces issues de prêts de collections particulières et publiques, l’exposition donnait à voir la marque d’une stratégie picturale qui, sous la fantaisie apparente, déploie une logique imparable de l’assemblage de motifs.
A l’instar de Dream, Nice ou Mapping, confectionnée lors d’une résidence récente de l’artiste à Rotterdam, montrés pour la première fois dans ce contexte, le travail de Georgia Nelson renvoie littéralement à cette idée du handcraft et de la séquence. En témoigne la fiction d’une vendeuse incarnée par une série de dessins dans la première salle, ainsi que cette édition qui prend le format du livre pour enfant. Derrière la banalité et le fantasque du titre « Madame Namo jamais deux fois des champignons ne vendra », l’artiste s’empare d’une focale branque et caustique. Comme un montage dans l’espace, conçu in situ pour l’occasion, la pièce Thank you recrée un salon en trompe l’œil, par la connexion absurde et suggestive d’un canapé avec tableau et tapisserie.
En citant Max Ernst, Dick Hebdige inscrit le punk dans la tradition de l’esthétique Dada et surréaliste : « Le bricoleur sous-culturel, tout comme l’auteur d’un collage surréaliste, « juxtapose deux réalités apparemment incompatibles et c’est là que la rencontre explosive à lieu. » ² De l’art de la pose à celui de l’accroche, de la référence au punk comme un bricolage de formes, le jeu délibéré de Georgia Nelson consistant à produire textes griffonnés, sopalins raturées, nappes ornementées ou autres patrons coloriés, fait développer avec énergie prétextes et supports. Derrière la simplicité apparente du statment, l’ironie ici tient dans la déviance et la combinatoire des objets et des matériaux utilisés. Naïveté feinte selon le mode, clin d’œil continuelle à la figure de l’artiste femme et des clichés qui y ont trait, l’intime, le domestique et le récit du quotidien passent sous le filtre d’une mise en réseau mordante. A la manière de cette vue générale, la question du cadre et de l’humeur produit dès lors l’intempestif qui caractérise l’exposition : un rapport concret et onirique pour un décollement dans l’art de la vignette.
Rigoureuses dans la facture, affranchies dans l’attitude, les productions de Georgia Nelson procèdent comme de trames non genrées. Elles pourraient se résumer drôlement, au sens propre et figuré, par la phrase d’une autre singulière, Rose Marie Trockel : « As soon as you have spelled something out, you should set it aside. » ³ Entre la projection rêveuse, une urgence et l’atelier programmatique. Quelque chose de classique et tordu en même temps.
¹ Max Ernst, 1948.
² Dick Hebdige, Subculture. The meaning of style, 1979, Methuen & Co.
³ Rose Marie Trockel, in Artforum Inc. Mars 2003. Entretien avec Isabelle Graw.
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La résidence de Georgia Nelson à Rotterdam