Produite pendant l'été 2008 lors du Festival d'Avignon, Faune(s) constitue la première création d'Olivier Dubois Le pluriel du titre révèle incidemment la singularité de la proposition, ses ambitions et les processus qu'elle déploie. Petit point historique. « Il s'agit plutôt de fonds successifs sur lesquels se meuvent les désirs et les rêves du faune dans la chaleur de cet après-midi. »L'après-midi d'un faune est un poème initialement publié par Mallarmé en 1876, mise en musique par Debussy avec le Prélude en 1892, et joué pour la première fois en 1912 au théâtre du Chatelet sur une chorégraphie et une interprétation de Nijinski, avec les ballets de Diaghilev. Cette représentation reste mythique puisqu'elle fit notamment scandale par l'interprétation inattendue que fit Nijinski.
Faune(s) n'apparaît pas comme un remake de la première mouture, mais plutôt comme une traversée de cette figure, jouant sur ses codes et les fantasmes qu'elle a développé. Olivier Dubo...
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Produite pendant l'été 2008 lors du Festival d'Avignon, Faune(s) constitue la première création d'Olivier Dubois Le pluriel du titre révèle incidemment la singularité de la proposition, ses ambitions et les processus qu'elle déploie. Petit point historique. « Il s'agit plutôt de fonds successifs sur lesquels se meuvent les désirs et les rêves du faune dans la chaleur de cet après-midi. »L'après-midi d'un faune est un poème initialement publié par Mallarmé en 1876, mise en musique par Debussy avec le Prélude en 1892, et joué pour la première fois en 1912 au théâtre du Chatelet sur une chorégraphie et une interprétation de Nijinski, avec les ballets de Diaghilev. Cette représentation reste mythique puisqu'elle fit notamment scandale par l'interprétation inattendue que fit Nijinski.
Faune(s) n'apparaît pas comme un remake de la première mouture, mais plutôt comme une traversée de cette figure, jouant sur ses codes et les fantasmes qu'elle a développé. Olivier Dubois, en éclairant d'un nouveau regard la pièce, radicalise le propos tout en s'appropriant au plus de près du personnage central, le faune.
La particularité du projet tient en sa composition ambidextre, partition à plusieurs mains, Dubois ayant sollicité la participation de Christophe Honoré, et du duo Sophie Perez et Xavier Boussiron. Faune(s) fait s'enchevêtrer la version originale de 1912 avec un court-métrage du cinéaste et un solo concocté pour l'occasion par Perez. Réinjections, mises en abyme, Faune(s) est une actualisation réjouissante d'un moment de l'histoire de la danse. Sur le mode du fragment, celui-ci orchestre une trame sensuelle et mélancolique où les collages ont la part belle et l'ironie majestueuse.
Méta spectacle, palimpseste, Faune(s) devient un espace de traduction à la façon d'une caisse de résonance, les tableaux se font écho aux autres dans une circulation inédite et joyeusement déviante. Le fantôme de Nijinski fait place au corps et aux poses de Dubois, à la fois grotesques et poétiques. Mimant les contorsions du faune, le danseur s'attache ainsi à questionner la place de l'interprète et de ses marges de manoeuvres, l'endroit où celui-ci trangresse, apparaît et disparaît. Portrait en creux de l'interprète, Faune(s) incarne une interrogation physique et charnelle quant à sa position et son rôle créatif. En clin d'oeil constant, par effets miroir ou d'effacements, Dubois fait rebondir cette figure tout en recherchant les limites de son affranchissement.
Hybride, carnavalesque, Faune(s) tient dès lors du montage, de l'imbrication de récits, du mixage de registre et des doubles voix. A ce jeu du dédoublement, Dubois, chorégraphe et interprète, manie la schizophrénie avec un plaisir avéré dans le réseau qu'il a lui même tissé et mis en mouvement. Toujours sur le fil du rasoir, celui-ci décrit sa création comme « une oeuvre de fidélité et en même temps d'imagination ». Plutôt que de plasticité, on parlera de langage, de sa mise en oeuvre et de la manière dont on peut le détourner et le faire réfléchir.
Au terme de danseur, Olivier Dubois préfère celui de « homme de danse », ainsi comme l'on parlerait d'un homme du monde. « Ces nymphes, je veux les perpétuer ».
Frédéric Emprou
Critique d'art, collabore pour diverses revues, a publié dans divers ouvrages collectifs, catalogues d'art contemporain.