Les Liaisons dangeureuses, projet de Didier Fiuza-Faustino au Centre d'Art Contemporain la Chapelle du Genêteil à 53200 Château-Gontier (4 avril - 7 juin 2009).
Proposée par Christophe Le Gac (critique d'art et d'architecture, directeur éditorial de monografik éditions, enseignant à l'ESBA d'Angers), la rencontre des deux architectes, Rahm/Fiuza-Faustino transfigure divinement la chapelle du Genêteil. Muni de chaussons pour ne point souiller le sol immaculé, le visiteur parcourt librement l'espace irradiant de lumière, puis vient ausculter l'intrigante sculpture mobilière. Sur une vaste plateforme peinte uniformément de blanc, de grands rideaux d'ampoules de diverses intensités rythment l'espace en autant de vagues ondulatoires irrégulières, tandis que siègent, légèrement excentrés, « Les Liaisons dangereuses », deux cabriolets imbriqués l'un sur l'autre. Le velours vieux rose, qui recouvre chacune des assises et des dossiers, adoucit, attire et séduit, alors que le regard bute sur l'un des siège percé.
Ainsi connotés, le mobilier et son intitulé se réfèrent au complot libertin du roman épistolaire de Choderlos de Laclos. Si de manière ludique, l'affrontement des deux architectes aux personnalités radicalement différentes se conçoit comme « un combat symbolique et spatial autour de la question de l'isolement, du repli sur soi, du rapport à l'autre », on ne peut s'empêcher de penser au temps fort de l'intrigue lorsque Valmont, si délicieusement interprété par Malkovitch dans l'adaptation de Frears, renvoie douloureusement à ses pénates la présidente de Tourvel, interjectant pour seule réponse « Ce n'est pas ma faute / It's beyond my control ». L'installation ravit, sublime l'expérience spatiale du regard.
Le duel diabolique s'affrontant avec force et indépendance, - remarquons que le plancher légèrement surhaussé mime la scène tel un ring de boxe - engage les univers respectifs des deux architectes. Celui de Rahm, aérien, fluide et tactile, sert de cadre entremetteur pour l'insolente malice de Fiuza-Faustino. A la recherche d'un univers organologique adoptant les conditions fluctuantes de l'air, de la lumière et de la température, Philippe Rahm engage sa pratique architecturale dans ses fondements expressifs.
Par la prise en compte primordiale des éléments naturels, l'architecture de Rahm permet d'ouvrir sur des « climats » et des « interprétations » par le biais du dialogue avec les phénomènes de réflexion, d'effusivité et de réverbération. Didier Fiuza-Faustino, pour qui la place du corps dans l'espace est essentielle, interroge de manière décalée et expérimentale les éléments constitutifs de l'architecture et le mobilier. Aussi fantasque qu'insolent, il n'hésite pas à repousser les limites de l'improbable jouant subtilement des significations sociales et politiques, mettant volontiers en porte-à-faux les idées reçues de propriété et de mobilité.
Cécilia Bezzan (1972, vit et travaille à Paris).
Historienne de l'art et critique d'art AICA. Elle contribue aux revues artpress, HART et L'Art Même.
Phillipe Rahm (1967, vit et travaille à Paris et Lausanne)
Didier Fiuza Faustino (1968, vit et travaille à Paris et Lisbonne)